Claire de Virieu · Photographe / Claire de Virieu · Photographer

"Le jardin devient l'atelier de Claire de Virieu, elle laisse faire la lumière et sauve l'instant."
Edouard Boubat.

J'ai toujours eu une forme de relation émotionnelle avec la nature et le désir très fort de la retranscrire. Les jardins sont un sujet d'où l'artifice est exclu, le photographe n'intervient pas ; seuls comptent le regard, l'attente de l'instant magique où la lumière crée l'image, où le jardin révèle un peu de son âme.

Comme l'écrit son maître et ami Edouard Boubat :
"Dans cette apparente facilité photographique le plus clair est de laisser la place à tout ce qui ne vient pas de nous... mais de ce qui est donné avec la vie et la baigne comme un chant."

Chaque jardin est un univers en soi. J'aime suivre leur métamorphose au fil des saisons et réalise souvent des monographies sur une période d'un an ou deux, que ce soit dans des lieux publics (L'Alhambra, le Luxembourg...) ou dans des jardins privés (Majorelle, le jardin privé de Monsieur et Madame François Pinault, Apremont...).

"The garden is the studio for Claire de Virieu. She lets the light work its magic and then she captures the moment."
Edouard Boubat

I have always had an emotional relationship with nature and the very strong desire to re-transcribe this emotion. Gardens are a subject in which there is no artifice and the photograph does not interfere. The essential element is simply in the observation, in waiting for the magical moment where the light creates the image, or the garden reveals a piece of its soul.

As her teacher and friend, Edouard Boubat, said,
"Photography can appear to be done with ease, but what is clear is that we must let everything go that does not belong to us... and those who possess the gift must immerse themselves in its music."

Each garden is a universe unto itself. I love to follow its seasonal metamorphoses and often realize the repetitions that occur over a period of one or two years, whether in public spaces such as The Alhambra or the Luxembourg Gardens, or in private gardens such as Majorelle or the private gardens of Mr. and Mrs. Pinault.

Portrait de Claire de Virieu

Émission For intérieur / France Culture
par Olivier Germain-Thomas
23 novembre 2008

France Culture

Transcript from For Interiors / France Culture
by Olivier Germain-Thomas
November 23, 2008

Paris côté jardin · Par Marc Augé / Paris Gardens · By Marc Augé

[...] L'art de Claire de Virieu est d'abord un art de la patience, un art de chasseur ou d'oiseleur, et c'est la raison pour laquelle elle parvient à restituer, ou plutôt à exprimer, comme on exprime le suc d'une plante, le paradoxe et l'ambivalence du jardin dans la ville. Les angles de vue divers qu'elle choisit se conjuguent, se répondent et se complètent. Mon propos n'est pas ici, on l'imagine, de commenter chacune de ses photographies. Elles se suffisent à elles-mêmes. Les réactions de ceux qui les découvrent peuvent en outre varier en fonction de l'âge, du passé, de l'expérience et de la sensibilité. Pourtant j'imagine mal que quiconque les regarde n'éprouve pas le besoin de traduire en mots l'émotion qu'elles suscitent. Car si elles sont belles, très évidemment belles, leur beauté ne se réduit pas à leur qualité esthétique, à l'équilibre des formes et des couleurs, ni à la technique impeccable du cadrage, des premiers plans ou de la composition.
Elles sont habitées par l'ambivalence de leur objet, et tous ceux dont elle retient le regard ressentent plus ou moins consciemment les effets de cette présence/absence qui comblerait leur attente si elle ne cessait d'exacerber leur désir. [...]

[...] Ce qui me touche avant tout, dans ce jardin aux multiples facettes, que j'appellerai désormais le jardin de Claire, c'est l'émotion qui l'habite et la pudeur avec laquelle s'y expriment, outre des désirs de fuite et des envies d'ailleurs, une conscience aiguë du temps qui passe et de l'instant qui meurt. C'est un jardin qui n'échappe pas à la mélancolie, même quand y retentissent des cris d'enfants ou les accents de quelque concert populaire improvisé. Certes, le regard se fixe et s'attarde sur la moindre apparence de bonheur humain comme sur les raffinements infinis d'une fleur ou d'un insecte, certes les couleurs du temps s'y déploient avec magnificence, et la faculté que possède l'artiste de faire surgir sous nos yeux des harmonies auxquelles quotidiennement nous restons aveugles peut réveiller chez nous le désir d'aller y voir par nous-mêmes, de secouer notre léthargie et de réapprendre à voir. Mais cette énergique et roborative leçon est plus subtile qu'un simple appel à se lever de bonne heure pour aller contempler la beauté du monde. Notre photographe n'est pas une donneuse de leçons. Simplement, en poète, elle nous prend par la main pour nous prendre à témoin, sans rien dire, des choses douces, exaltantes et parfois un peu tristes qu'elle sait voir et montrer mieux que d'autres. [...]

Marc Augé

[...] Claire de Virieu's art is first and foremost one of patience, like that of a hunter or bird watcher, and that is why she is so successful at capturing or even extracting the essence of paradox and ambivalence found in the city gardens of Paris.
She creates a dialogue between the various settings and vantage points, with images seamlessly responding, corresponding, and complimenting one another. But my intention is not to comment on each one of her photographs. They exist well and fully on their own. Certainly the reactions of those who discover her work will be varied depending on a number of factors including age, one's past, personal experience and practicality. Yet I cannot imagine that anyone who sees the work will not feel the need to try and translate into words the emotions that they illicit.
And though they are very beautiful images, their beauty is not confined to their aesthetic quality, or to the balance of their form and color, nor the technical precision of framing the image and its structural composition. The images possess ambivalence about what they reveal and whether consciously or not, viewers who are pulled in by these images will feel this sense of this presence and absence, and for some this reaction might be acceptable if it didn't somehow increase their desire for more. [...]

[...] What strikes me first in this multifaceted garden that I will refer to as the Garden of Claire, is the emotion that inhabits the images and the modesty with which they reveal themselves. Beyond explicit desire and need is an acute awareness to the passing of time and capturing that fleeting moment before it is gone. Claire's garden doesn't escape from melancholy even when they resound with the cries of children playing or of music from impromptu performers.
What is certain is that in these photographs, the gaze contentedly lingers on the simple pleasures of life, like on the infinite subtleties of a flower or an insect; That the sumptuous colors of the seasons infuse the images; and that the artist has an ability to capture a sense of harmony that we do not typically see in our daily lives, and in turn wakes up our desire to go outside and remember how to look at life again.
But this experience is more subtle then a simple call to appreciate the beauty of life. This is not a photographer who instructs. Rather, she is a poet who without saying anything guides us by the hand to participate in life's little moments, whether joyous or sad, which she knows how to see and thus, is best suited to show others. [...]

Marc Augé